Interviews

 

INTERVIEWS ET PRINCIPAUX ARTICLES DANS :

Transit (Ch), Murmures (Ch), Burst (Japon), Penthouse, Sniper (Japon), Elegy, Pandora, Rage, Bo-Doï, "L'Encyclopedie du S.M." ed. La Musardine, Backstab, D.mag, Oscilations, Union, Sexy Hard, Club Jody, "Scènes de Rock en France" (de Maxwell et F. Poulain), Spécial SM, Réactor (Ch), Spécial gros seins, "Fin de Siècle" (de H. Muller et R. Marsault), Projet X, Memento Mori, Follower, l'Expérience Esthétique, Offrande, Ordo Ab Chaos, Rose Noire, Morsure, Zoom, La Mezcla, A.S.A., Life Without Sex, Hésodia, Fear of Life, Chambre 69, Larsen, Agitahead.

 

VU SUR :

RD/RG - Paris première, Arte/tracks, M6 Tours, FR3 Tours, Canal+/L'œil du Cyclone-Z comme réseaux, MCM/Nuit Gore.

 

A LIRE :

 

 

 

"Denis GRRR" Eclipshead magazine N°013 / Oct.2006

Tatouages

J'ai toujours été fasciné par le cinéma japonais. Ses cadrages, ses silences. Le pays m'attire. Sa culture. Sa contre-culture : un jeune avec les cheveux violets mais portant un kimono. Un autre instantané : des malfrats en costumes sophistiqués qui cachent d'immenses tatouages. Les yakuzas, les mafieux nippons, abordent des pleins placards d'ornement. Des dragons, des tigres ou autres êtres mythiques sensés donner leurs attributs au porteur du tatouage : courage, force, résistance. Les tatouages sont liés aux mafias de par le monde. Si les origines sont ancestrales au Japon, un point est commun à tous : la notion de clan. Les mafieux sud-américains égrainent sur leur peau leurs méfaits. Les tueurs à gages sont marqués entre le pouce et l'index (cf. Scarface). Les mafieux russes sont orientés vers le morbide. Les séjours en prison sont l'occasion de se couvrir de gloire et d'acquérir de nouvelles décorations. Les gangs américains ne sont pas en reste. Pays cannibale par excellence, on s'y nourrit de tous les mythes et légendes. Les gangs des rues font dans le tatouage hip-hop (grands lettrages gothiques, figure de Mao ou de Mike Tyson). Les latinos font dans le retour aux sources avec des symboles aztèques ou mayas. À Pelican Bay, quartier haute sécurité, on se fait tatouer avec les lattes du lit et comme encre des bouts de plastique fondu : croix gammées pour les bons ariens. Contemplez la galerie. Des corps, de la chair et quelque part... du sang.

Interview du tatoueur D-GRRR ou CarnEvil


Peux-tu te présenter rapidement ?

Illustrateur toutes surfaces !

 

Mais encore ? Il me semble que tu ne donnes pas dans l'art naïf, ni dans l'impressionnisme.

Tu as dit rapidement !!!

 

Comment en es-tu passé de l'illustration au tatouage ?

C’est une vielle aventure qui à démarrer lorsqu’on allait se faire tatouer par Christian à Ménilmontant, il a tout juste 20 ans. C’est de là que j’ai pu observer le phénomène puis dessiner mes 1res planches de flash en échange de tattoos. En tant que tatoué il est clair que j’ai été sensibilisé à cette technique, à ce geste. Il n’y a pas très longtemps que j’ai vraiment attaqué cette forme artistique assez complexe, j’ai dû réapprendre à tout dessiner, notamment chez Christian et Laura Satana, évaluer un motif, à savoir composer avec l’élément humain. Je considère le tatouage comme une suite à mon travail et se complète avec celui d’illustrateur. Et ce n’est que le début…

 

Question technique : quelle partie du corps n'acceptes-tu pas de tatouer ? Laquelle apprécies-tu le plus ?

Le visage et les mains, sauf si c'est quelqu'un du métier ou si cela ne lui porte pas préjudice socialement et surtout quelqu'un de "mûr" et bien équilibré. Sinon je n'ai pas de préférence particulière quant à l'endroit, tout est bon dans le bonhomme ou presque...

 

Quelqu'un de "bien équilibré"? Qu'est-ce que tu entends par là ? Arrives-tu à sonder rapidement la maturité du quidam qui s'assoit en face de toi avant un tattoo ?

C’est curieux mais c’est comme ça, il y a là une histoire de feeling, pareil en cas de refus. En fait je lui explique juste les éventualités de la vie, par exemple en cas de recherche de travail… avec un motif dans le cou, ce n’est même pas la peine… Je préfère que la personne revienne après avoir mûrement réfléchi.

 

Un charmant client te demande un joli symbole nazi sur l'épaule. Ta réaction ?

Niet. Pas de politique à table.

 

As-tu des objectifs professionnels ou artistiques ? Des projets en cours ? Des envies ?

J’ai quelques idées d’expos avec des tatoueurs, mais je préfère ne pas en parler maintenant, sinon refaire des tee-shirts… Une expo-vente est prévue prochainement à la Cantada "Omnia Vanitas" du 2 novembre au 11 décembre 2006, constituée de grand tirage style 50x70.

 

Le cursus à conseiller à un débutant ?

Être très motivé ! Savoir dessiner, être observateur, avoir de la patience, être à l'écoute, et considérer que l'on ne prendra pas une machine à tatouer dès le 1er jour !

 

Question "Femme actuelle" : si tu étais un tatouage, tu serais quoi ?

Je ne peux me limiter à un seul tatouage !!!

 

Quel serait pour toi le tatouage ultime, que tu aimerais porter ou que tu aimerais réaliser sur quelqu'un ?

Même réponse, et de plus tes envies changent en fonction des rencontres et des époques…et tout dépend aussi de la place qu’il reste… Du moment que je suis satisfait du travail effectué et l’approbation du client… c’est suffisant.

 

Et inversement, y a-t-il un tatouage, ou un type de tatouage qui te sort par les yeux ?

Le tribal en général sauf si c’est un truc ethnique particulier. Les tatouages bateaux que certains veulent se faire parce qu’il l’ont vu sur leur voisin-voisine… Il y a dans ce pays des tatoueurs de talent et souvent on leur demande des choses qui n’ont rien à voir avec leur style. C’est tout juste si les gens regardent les books… Il y a encore un décalage avec la mode et la vraie création artistique. Et d’ailleurs le tatouage devrait être considéré comme un art à part entière. Certains tatoueurs ont un niveau artistique bien meilleur que certains "artistes". Donc je pense que la presse d’art a son rôle à jouer.

 

Tu es tatoué. Beaucoup tatoué. Pourquoi ce désir de recouvrir d'encre ta peau et celle des autres ? Que cherche-t-on en se décorant définitivement ?

Ça, il faudrait enquêter de ce côté-là, mais d'après ce que je ressens, c'est qu'il y a une recherche d'affirmation de soi, de par le marquage d'événement, la confirmation par un tatouage décoratif, l’appartenance à un groupe social, le rituel d'un éventuel "passage" par la douleur et peut être quelques masos ! Omnia Vanitas !!!!

 

Pour toi, le tatouage, entre autres body modifications, a-t-il une place à part et pourquoi ?

Évidemment, puisqu'il date d'au moins 5000 ans (a priori la plus ancienne preuve d'un tatoué retrouvé gelé dans le massif alpin) et je pense que c'est la continuité du marquage du corps par la "peinture" qui là aussi pouvait permettre de se différencier entre tribus, signifier le passage d'enfant à adulte, ou d'un procédé thérapeutique. Le tatouage et autres modifications modernes ne sont que des avatars ancestraux qui symbolisent bien l’humain à se singulariser.

 

En parlant de Body Modification, y a-t-il une pratique que tu ne comprends pas, que tu rejettes ou que tu déconseillerais (scarifications, suspensions, branding, implants, etc...)? Et pourquoi ?

Cela est parfois impressionnant par le fait de performances et ce dépassement de l’être, où l’on peut palper la douleur… Il y a un peu du bricolage abstrait ! Je suis plus sensibilisé par le tatouage et son coté graphique.

 

Tu rencontres des peaux, des corps et des personnalités. Quel est ton ressenti lorsque tu découvres les personnes que tu tatoues ? C'est rentrer directement dans l'intimité de l'autre, non ?

Oui et non, on y entre physiquement et à peine (même pas 1 mm), et on se doit de respecter l'intimité de chacun y compris la sienne ! C'est sûr, il peut y avoir un vrai feeling ce qui permet de réaliser un beau tatouage du fait de la confiance établie.

 

La législation pour les tatoueurs et les pierceurs tend à se durcir. Quel est ton avis à ce sujet ?

C'est touffu ! mais je souhaite que tout cela ne se fera pas sans les tatoueurs, d'où la manif du 3 décembre 2005. Ce serait la moindre des démocraties...

 

J'ai récemment eu entre les mains des livres sur les tatouages de gangs et autres mafias. T'intéresses-tu à ceux-ci, leurs codes et symboles ? T'attaches-tu à la signification et à l'histoire du tatouage qu'on te demande d'exécuter ?

Ce sont des symboles codifiés très forts à ne pas tatouer sur n’importe qui, n’importe comment. Cela fait partie d’un mode de reconnaissance et en particulier d’un langage, et il faut en être pour les comprendre. Cela dit, chacun a ces codes personnels, ces logos ou phrases tatoués en évidence ou cachés. Et bien sûr quand la personne me donne accès à son tatouage, c’est toujours intéressant, aussi pour son élaboration, on a nos secrets professionnels !!!

 

 

"Denis GRRR", La Spirale par Laurent Courau, 2006

Céroplastie, tatouages, pornographie et démonologie… Horreur, malheur ! La terre tremble et le ciel s’embrase ! Denis GRRR, notre enlumineur païen préféré a accepté de répondre aux questions de la Spirale et nous laisse entrevoir le dédale de son esprit tortueux au travers d'une interview sans concessions. Illustrateur, tatoueur, concepteur de pochettes de disques pour les scènes hardcore, metal et industriel, et décorateur de lieux undergrounds en tous genres, le Baron de GRRR fait aujourd'hui figure de référence parmi les mouvances tribales qui agitent la contre-culture de ce début de millénaire. Propos recueillis par Laurent Courau.

 

D’où vient ce patronyme de GRRR ? Pourquoi pas Urgh, Brrr ou Gwar à la place ?

Eh ! Tout simplement pour mon côté grincheux avec une certaine antipathie pour ce qui m’entoure et les 3 R comme un 3 étoiles !!!

 

Ta biographie te décrit comme une créature en croisade. Quelles sont donc les cibles de tes fourches caudines ?

Parfois on se demande où mènent ces utopies… Mais souvent les choses resurgissent de façon à ce que le dard de la vérité s’enfonce inexorablement dans la carapace de ce monde de mensonges et d’intérêts. Ceci dit, il y a effectivement des thèmes récurrents comme le catholicisme, la pornographie et la démonologie. Cette trinité placée au même niveau et bien remuée donne des hybrides assez amusants, leur point commun étant d’être iconographique. "L’homme a créé Dieu à son image". Et toute cette hypocrisie bien macérée dans les abysses spirituels dégueulés en une gerbe noire aux traits incisifs et révélateurs ? "Beaucoup ont fait commerce de l’illusion et des faux miracles, pour tromper l’ignorante multitude." - Léonard De Vinci

 

D’où te vient ton penchant affirmé pour la démonologie et les sciences occultes qui transparaît effectivement dans nombre de tes peintures et tes dessins ? S’agit-il de provocations ou d’un intérêt plus profond pour la face sombre de l’ésotérisme ?

Le fait que j’y sois tombé. Comme je l’ai dit plus haut, ces sciences étant très iconographiques, la raison en est évidente. Encore que, est-il bien raisonnable de se perdre ainsi dans les méandres infernaux de la déraison… Et c’est peut-être là justement d’où peut ressurgir une passion illuminée proche de cette représentation de l’œil, de celui qui voit… POST TENEBRA LUX. De cette devise apparaît une technique de travail et une recherche personnelle, de l’ombre vient la lumière. J’ai parfois fait de la provocation facile avec un certain côté laxatif, il est parfois raisonnable de se vider, afin que l’aigreur ne se pointe… Mais honnêtement je suis passé outre et ne fait plus attention à la provocation, je crois que c’est inné dans mes illustrations d’après les observations entendues et lues.

 

Tu viens de parler de déraison. N’est-il pas dangereux de manipuler certains symboles ? Je pense à cette phrase de Nietzsche : "Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi"

Et tu dis coucou ! Tout dépend de ce que tu manipules, comment et à quelle fin, c’est comme l’humour, on ne peut pas rire de tout avec n’importe qui…

 

Crois-tu que nous soyons dans une phase de retour au mysticisme en occident ? Et si c’est le cas comment expliques-tu ce regain d’intérêt qu’on perçoit au travers du mouvement new age ou de choses plus sombres comme le satanisme ?

Ça doit être la soi-disant fin du millénaire. Chacun se pose des questions quant à l’avenir de ce monde déjà bien entamé. Chacun sa secte, chacun son intégrisme, chacun est libre de se frotter aux arbres ou d’effectuer des sauts à genoux avec un air béat… Quant au satanisme, ça me fait bien rigoler puisqu’il a été écrit par des chrétiens et qu’il est basé sur les anciens cultes diabolisés par ces derniers afin de mieux les annihiler. Il y a dans ce mouvement un certain manque d’humour alors que justement, c’était un moyen de se libérer du joug de cette religion de crucifixion. Celui qui rit de lui se connaît et existe par lui-même, donc il est le Shatan, l’adversaire, c’est ça le satanisme. Ce n’est pas un effet de mode, cela ne regarde que soi. Mangeons des pommes… ! La seule chose qui m’intéresse là-dedans, c’est cette puissante iconographie séculaire entretenue par l’église, puis réinterprétée pour notre plus grand plaisir par nos talents d’iconoclastes…

 

Lors d’une interview qui sera prochainement publiée dans la Spirale, le peintre Joe Coleman m’avait comparé la période actuelle à la chute de l’Empire Romain. Est-ce que tu partages cette vision d’une société occidentale actuellement en pleine décadence ?

Oui, la décadence en plastique, l’avènement de l’abrutissement organisé, la décadence insoutenable de l’être, le régne de la connerie, la décadence par l’ersatz, la décadence lobbyiste des intérêts, et d’ailleurs la décadence se vend bien ! Allez encore un pas de danse…

 

Finalement, en quoi l’époque actuelle serait pire que les siècles passés ? Le vingtième siècle, pour ne prendre que cet exemple, n’a pas été des plus lumineux. Et je ne suis pas certain qu’il ait fait bon vivre au Moyen-Âge…

Effectivement, mais ta question parlait de décadence.

 

Les femmes occupent une place très importante dans ton œuvre. J’ai même lu que tu entendrais réhabiliter la place de la femme au travers de tes images. Peux-tu nous éclairer sur ce besoin de réhabilitation ?

Comment peux-tu réhabiliter le culte de la femme qui fait la vaisselle, fait les courses, des chiards ? Donc peut-être cette envie infinitésimale de voir, de sentir les choses très différemment, de les représenter autrement, bref de dépasser cette agressive réalité. La femme incarne le rêve, le divin, la Lilith de nos pulsions. Et il est vrai que d’une certaine façon, je contribue à la réhabilitation de la Déesse, longtemps diabolisée, rendue impure, bafouée par les hystériques castrateurs. Chez moi, même de façon pornographique, elle n’est jamais représentée de façon vulgaire (dixit les amies). Ça n’est pas la peine de rallumer le bûcher, déjà vu ! Encore que, la nouvelle mode chez certains extrémistes… Imagine les nouvelles couvertures de Vogue avec des femmes à rideaux. Les temps obscurs ne sont pas les plus éclairés…

 

Le sado-masochisme fait également partie de tes thèmes récurrents. Qu’est-ce qui t’attire dans les pratiques sexuelles dites déviantes et comment expliques-tu que de plus en plus de créateurs contemporains utilisent cette imagerie ?

En fait pas tant que ça, je dirais plus fétichiste avec toutes les dérivations que je peux faire au niveau des matières genre cuir ou métal. L’autre raison, et là je me posterai plus en observateur, c’est ce truc qui peut pousser le commun des mortels (l’est-il vraiment ?), à prendre son pied, parfois chez lui, avec ses propres rituels pour atteindre un nirvana d’une façon extrême. Pour le reste, bah ! Encore du pillage de l’underground, faut croire que ça en titille quelques-uns de frôler les interdits, ça me rappelle les bourgeois qui venaient s’encanailler dans les guinguettes à absinthe…

 

Plus largement, quels sont les artistes (toutes époques confondues) qui ont éclairé ton parcours d’autodidacte ?

La liste serait trop longue ! Le premier qui m’a éclairé vers mes dix ans, niveau charnel, fut F. Rops. Puis quelques peintres Pompiers, ce qui m’a aussi donné l’envie de découvrir tout le reste comme le symbolisme, la gravure (à partir du 17ème siècle), "l’art" médical (céroplastie, gravure, lithographie…), la pornographie, les fumettis, tout ce qui est relatif à l’illustration érotique, la science-fiction, l’horreur, le fantastique, le dark art, l’underground le plus cramé. Et ma période préférée reste le 19ème siècle et le début du 20ème (photographie, architecture, art décoratif).

 

La musique a longtemps fait partie de ton univers. Tu as notamment collaboré avec des groupes de metal et de hardcore tels que MST, La Muerte ou Noxious Enjoyment, réalisé des illustrations pour le magazine Rage et conçu des couvertures pour les compilations Masters of Brutality et Ondes de choc. Est-ce que tu suis toujours l’actualité musicale et si c’est le cas, où trouves-tu ton inspiration aujourd’hui ?

Oui, bien sûr, puisque je travaille en permanence avec. Ça va du metal en passant par le hardcore, le rock ’n’ roll, du garage, de l’industriel, les musiques de film, les musiques ethniques et quelques inclassables comme Magma.

 

La céroplastie fait également partie de tes passions. Je crois que tu fais partie des inconditionnels du musée Fragonard. Qu’est-ce qui t’intéresse dans cette pratique ? Et quel est ton rapport à la mort et aux corps morts ?

Fragonard a travaillé avec du vrai matériel humain et animal, ce qui lui a valu une réputation de fou. Le docteur Von Hagens en est l’héritier. Quant à la céroplastie, je considère que c’est plus que de l’artisanat à but d’enseignement, qu’il s’agisse des moulages tératologiques et dermatologiques (collection Spitzner et celle du docteur Baretta au musée St Louis) ou de reproductions anatomiques (La Specola, Florence). On ne peut qu’admirer cette incroyable finesse d’exécution, jusqu’au moindre ligament, ou cette frénésie scrupuleuse de reproduire les diverses teintes de la peau et de ces pathologies qui nous paressent bénignes mais autrefois infernales sont souvent tellement réalistes que l’on est pris de compassion… Mon rapport à la mort est peut-être lié au départ trop rapide de mon père, ce qui a déclenché un intérêt soudain et m’a fait prendre conscience du fait d’exister. De là les premiers dessins de crânes et autres morbidités, avec les débuts de ma collection de crânes de toutes sortes et d’instruments chirurgicaux. Affinée par le regard soutenu que j’ai pour le médical et en particulier la médecine légale (dégradation, conservation des corps, autopsie, etc.), l’architecture mortuaire et certains rites funéraires ancestraux. Régulièrement je me promène dans les cimetières afin de collecter des photographies concernant l’érotisme tombal et quelques bas-reliefs à la symbolique étrange… En gros (avec l’accent…) : "La Mort me fascine." - Salvador Dali

 

Tu t’investis donc depuis peu dans le tatouage. Outre l’amour immodéré que tu portes à cette forme d’expression dermique, comme en témoignent les nombreuses œuvres qui décorent ton corps d’éphèbe, qu’est-ce qui t’a amené à pratiquer la chose par toi-même et quelles sont les différences majeures entre des supports tels que le papier et la peau humain ?

Le fait de se démarquer et ses conséquences m’ont toujours intrigué. Ça a commencé avec des amis en 1986 chez Christian de Belleville. De là sont venus mes premiers tatouages et ma première planche de flash que j’avais dessinée en échange. De fil en aiguille (!), des gens m’ont demandé de dessiner des motifs pour eux. Avec la satisfaction de les voir joliment reproduits sur leur corps, je me suis dit qu’il n’y avait qu’un pas ! Après quelques hésitations, le challenge d’une nouvelle orientation graphique devenait plus concis et c’est donc grâce à Laura que je m’y suis vraiment mis sérieusement en travaillant chez Exxxotic-tattoos il y a plus d’un an. Depuis peu, je me régale de graver les épidermes dans mon cabinet de curiosité personnel : CarnEvil.

Le gros souci a été effectivement de s’adapter au support humain. Le corps est courbe, comporte une "géographie" de tous volumes, la peau avec les particularités différentes de chacun ainsi que son épaisseur d’un endroit à un autre, le maniement de la machine qui vibre assez fortement et parfois, tracer un simple trait d’une épaule à un pectoral peut se révéler être du tout-terrain ! En faisant très attention de piquer à la bonne profondeur, car la feuille de papier ne crie pas, elle ! C’est cette "géographie" tellement variable qui est passionnante à anticiper le plus esthétiquement possible, de par la diversité des motifs et selon, bien entendu, l’envie de la personne. Le plus intéressant reste le free hand, c’est-à-dire le dessin direct sur la peau. La confrontation avec le corps devient réelle, avec le souci évident de marquer pour la vie le motif demandé. Je considère, si je puis me permettre, que le tatouage est un métier d’Art à part entière, qu’il ne s’improvise pas et que modestement, pour le moment, il est loin de me lasser, satisfait d’en découvrir les subtilités "Ad aeternam". Enfin presque !

 

On peut voir des exemples de tes travaux de tatouage les plus récents dans la galerie de la Spirale. Comment crées-tu tes motifs et s’agit-il de pièces uniques ?

Bien évidemment, je ne refais jamais deux fois le même motif par simple respect pour la personne qui n’aimerait pas se retrouver nez à nez avec son propre tatouage. Soit la personne est intéressée par un motif déjà dessiné et dans ce cas on l’adapte en fonction de l’endroit, soit la personne a sa propre idée et dans ce cas, on met au point le motif par rapport à ses critères et la possibilité de le réaliser. C'est avant tout un dialogue. En général les gens qui viennent me voir veulent quelque chose de particulier, ce qui est d'autant plus motivant !

 

Il y a aujourd’hui comme une mode du tatouage, comme on a encore pu le constater cet été sur les plages qui débordaient de motifs tribaux. Que penses-tu de ce nouvel engouement ?

Il y a comme partout du bon et du mauvais dans cette démocratisation. Mais cette systématisation du tribal qui en fait ne signifie rien, et rabaisse cet Art au niveau de la photocopieuse… Parfois la demande au niveau créativité est moins intéressante que ce que peut offrir un tatoueur qui possède son style propre. Donc son rôle, c’est de proposer quelque chose de plus original, de créer une certaine émulation. Après tout c’est l’histoire de chacun qui est mise en scène sur son propre corps. Si certains veulent par ce biais ressembler à "tout le monde il est gentil", autant mettre des tee-shirts !

 

Outre tes travaux personnels, tu t'occupes de l'organisation d'expositions à la Cantada. Peux-tu nous en toucher un mot et en profiter pour nous parler de ce lieu de débauche ?

Uh ! Y cause de mon QG, on commence par quoi ! Les sept péchés capitaux y sont pour quelque chose… On peut déguster jusqu'à huit excellentes absinthes, boire de bons vins sélectionnés avec goût, je peux vous en dire un mot - Les autres aussi - Le tout sur un fond varié de musiques contemporaines énervées. Les gens y sont un peu plus vrais et hauts en couleur (salut Pascal Tourain, qui y fera bientôt son spectacle de Bulldozer au mois d’octobre) que dans certains autres bars rock. Le fait aussi qu’il y ait une certaine diversité d'activités draine des gens de milieux confondus, ce qui fait un lieu relativement sympa et de caractère. Pour s’informer : www.cantada.fr.

À partir du 15 septembre, j’exposerai avec plaisir Fabrice Lavollay dont j’apprécie beaucoup le style très personnel. Après lui, je pense que j'exposerai Virginie Notte de Modern Pin-Up. Modern Pin-Up est un hommage photographique tout personnel de la pin-up moderne ! Le tout dans cette histoire est de se régaler les mirettes, la cabine et le gosier qui va avec !

 

Comment vois-tu le futur ? Est-ce que tu arrives à te projeter dans les années qui viennent ou préfères-tu vivre l’instant sans te préoccuper de la suite ?

Attends, j’ai dû égarer mes jumelles…

 

 

"Denis GRRR" Eclipshead magazine N°003 / Déc.2005

Avez-vous déjà posé vos yeux sur le travail du Baron de GRRR ? Je dis Baron, puisqu'il a réellement été adoubé par l'actuelle Marquise de Sade lors d'une soirée plus qu'arrosée, m'a-t-il dit. Le Monsieur officie depuis une vingtaine d'années, en tant qu'illustrateur pour des fanzines divers, des pochettes CD, des livres d'Art ou encore des fresques torturées. Peut-être vous êtes-vous déjà rendus au bar à absinthe La Cantada II à Paris, où il a réalisé la décoration murale en revisitant les sept péchés capitaux. Le corps, tendre, décharné, fuselé ou torturé, est son terrain de jeu. La femme est le personnage central de ses créations fortes et violentes. Son univers "nécro-réaliste" vous fera sans doute penser à un Giger au pays des nones-nymphomanes zombies ! Mais ne vous y arrêtez pas, Denis GRRR est un expert de l'Art underground comme de productions bien plus anciennes du médiéval ou de l'Art nouveau. Cet autodidacte mystique, clinique et sexuellement obsédé est également tatoueur. Il vit son épicurisme dans son cabinet de curiosité peuplé de matériel chirurgical d'un temps reculé, d'icônes religieuses, d'iguanes empaillés, de batraciens en plastique, de gravures anciennes et de certains de ses originaux. Allez le visiter www.D-GRRR.com et les Tatouages du GRRR sur Carnevil ! La Cantada II: www.cantada.net

Interview :


- Qu'aimerais-tu que les gens ressentent en regardant tes toiles ?

Je n'aime rien ! Non, quand je fais une image je ne cherche pas à susciter tel ou tel effet, les gens sont encore libres de penser, enfin je crois… En tous cas, ce qu'ils ressentent est difficile à expliquer, il y aurait comme une émanation de puissance, un érotisme exacerbé, d'humour… J'ai pu constater que ces dames regardaient cela avec un grand intérêt, se réappropriaient, se traduisaient les choses profondes, ancestrales qu'est la femme, mystères parfois difficiles à entrevoir pour nous les hommes ! Mais révèle certainement ma part de féminité.

 

- Ton travail est très sexué et mystique. La femme tient une place prépondérante dans tes tableaux. Saurais-tu expliquer pourquoi crées-tu dans ce sens ?

"Dans les entrailles grondent dorénavant les révoltes, affirmant la pensée et le geste élevé contre le dogme castrateur libérant ce Corps longtemps reclus, soumis, torturé, annihilé. Et c'est en cette Bacchanale picturale que D.GRRR accomplit ici l'Icône du Martyr Eclairé. De ces créatures exacerbées : Prêtresses de mort, Maîtresses de vie, jaillissent le regard lucide, les corps parés pour la réappropriation de la Débauche Originelle. Celle d'où naquit le Chaos de la reconstruction, tel un dard fiché dans la carapace de l'hypocrisie…"

 

- Quel est ton rapport avec le catholicisme ?

Une chose : "L'homme a fait Dieu à son image", point. On rigolait beaucoup plus avec les anciens Dieux, parfois plus proches de l'homme (dualité bon-mauvais en chaque avatar) que cette chose abstraite ruisselante de sang qu'est le Monothéisme, innommable Monolithe de l'annihilation de Chacun. L'avantage de la chrétienté, c’est cette puissante iconographie séculaire entretenue par l’église, créée par les clercs dans leur tourbillon fantasmatique de domination… puis réinterprétée pour notre plus grand plaisir par mes talents d’iconoclaste… "Ainsi le Porteur de Lumière fut-il précipité aux Enfers afin d'éclairer ceux-ci…"

 

- Quel est ton rapport avec la Femme ?

Allongé.

 

- Les mains de tes personnages sont particulièrement travaillées, si on regarde dans le détail. Y a-t-il une raison à cela ?

Les mains sont fascinantes, elles sont l'Outil de la création et de la destruction, la prolongation de l'âme… Pas de l'âne, c'est autre chose ! "Travaillées" oui, parce qu'auparavant elles étaient beaucoup moins bien dessinées ! Donc je m'applique.

 

- On ne voit pas de douceur, de candeur et de calme dans ton travail. Ces notions ne t'intéressent-elles pas graphiquement ? Quelle est ta zone de sérénité, si elle existe ? Comment vois-tu le monde ? calme et olympien…?

Je ne vois que haine, cupidité, pouvoir, Aliénation ! Alors de là à traduire des niaiseries… ce n'est pas mon panel, c'est d'un ennui et graphiquement je trouve ça inintéressant. À mon sens, la Lumière est aveuglante et l'Ombre est apaisante… Mais ce monde est un paradoxe incroyable, le simple fait d'observer la lumière solaire au travers d'un pétale d'orchidée… C'est ça qui nous fait vivre, voir aussi ce que les autres sont capables de créer, de soulever, de revendiquer, etc… Je traduis tout ça par le cynisme, l'humour noir et toujours cette idée de dépasser, d'extrapoler, d'aller au-delà. Le commun m'emmerde et le bonheur c'est mieux de le vivre que de le représenter. Je préfère explorer mes mondes, m'enliser dans mon inconnu…

 

- Tes personnages sont vicieux, forts et sûrs d'eux. Sont-ils à ton image ou au contraire, représentent-ils quelque chose vers quoi tu voudrais tendre ?

Surs d'eux même certes mais vicieux… c'est une notion de l'église ! Il y a forcément une partie de moi-même. Mais je ne suis pas aussi azimuté ! J'aime bien mêler ce côté charnel avec quelque chose de dur, puissant, les forces s'équilibrent, se complètent. Mes personnages n'existent que dans les fantasmes que l'on veut bien leur donner…

 

- J'aimerais savoir, toi qui représente le corps, quel est ton rapport avec ta propre chair, ta propre apparence ?

Le dernier bastion dont on est dans notre société, le premier et dernier propriétaire, celui que l'on peut modifier à sa guise loin des dogmes de castration. C'est par exemple mon rapport avec le tatouage. Soit purement décoratif ou significatif. Mon corps je me dois de le nourrir avant qu'il pourrisse !!! Ça entend une forme d'épicurisme, du bas ventre à la cabine… Sinon à quoi bon… Tout ça sont des choses que je cultive en rapport avec mon histoire personnelle, en tout cas loin des modes.

 

- Tu poses des yeux à tout endroit du corps. Des yeux en amande, brillants, inhumains ou sur-humains. Ces yeux -tes yeux- que voient-ils ?

C'est une forme de lecture avec les mains, une manière de photographier, de mettre en situation, de créer un fantasme. Les yeux ont ce pouvoir de réflexion de soi… Cette incommensurable sensation d'ouvrir et pénétrer d'autres univers…

 

- Tu fais également des tatouages et c'est presque "logique" qu'un artiste comme toi crée sur la chair, qui est ton sujet principal. Prends-tu un plaisir identique à tatouer et à peindre ?

Non, ce sont deux choses bien distinctes et complémentaires à la fois. Le tatouage est pour moi un prolongement de mon travail, l'intérêt ici est l'aspect tridimensionnel et relationnel, malgré mon côté ours d'ailleurs. Et c'est ce truc fou que quelqu'un va ainsi porter le fruit de ton travail, qui va l'accompagner le temps d'une vie, c'est grand !!! Mais il faut savoir rester humble. Au départ je ne me voyais pas du tout dans cette discipline, je trouvais ça trop contraignant mais à force d'être tatoué et d'échanges avec "mes" tatoueurs, la passion s'est installée et c'est il y a bien 3 ans que ça a démarré sérieusement.

 

- Aimerais-tu exploiter d'autres médias ? Cinéma ? Musique ? Littérature ?

Non hélas ! je ne suis pas maître du temps (m'emmerde ce Cronos !) et encore moins Shiva !!!!

 

- Penses-tu exposer en France d'ici peu ?

Il y en a eu une, il y a peu à Nancy (Fallen Angels), sinon j'ai quelques petites idées… Sinon j'expose toujours à la Cantada les gens que j'aime bien. À venir en 2006 ze Great Taga…

 

- oR.hal

 

 

"DENIS GRRR, BARON BARBARE" PENTHOUSE / N°7 - 2002

IL A UN CARACTERE ODIEUX, MAIS DU TALENT. AVEC SON LOOK DE PETITE BRUTE, DENIS GRRR CULTIVE L'AMOUR DES CRÂNES, DES TROPHÉES ET DES MALÉFICES. ILLUSTRATEUR AUTODIDACTE ISSU DU MILIEU UNDERGROUND, IL RÉALISE DES POCHETTES DE DISQUES POUR DES GROUPES METAL-INDUSTRIELS COMME MASSACRA, MST OU LA MUERTE, ET SE FAIT REMARQUER DANS LES ANNEES 80 EN SIGNANT DES FRESQUES NÉCRO-TRIBALES TRÈS BRUTALES. DANS LES ANNEES 90, SES ACTIVITÉS S'ÉLARGISSENT : ON LE RETROUVE IMPLIQUÉ DANS LES JEUX DE RÔLES INTERVENTION DIVINE PUIS IN NOMINE SATANIS. IL FAIT LA DÉCORATION DES STUDIOS DE PIERCING ET DE MODIFICATIONS CORPORELLES EXTRÊMES, TRACE AU SCALPEL DES MOTIFS DE TATOUAGES STYLISÉS, VEND DES TEE-SHIRTS DITS "DE CARACTÈRE" ORNÉS DE VERS QUI SE SUCENT LA QUEUE, ET HANTE LES SOIREES FÉTICHISTES DANS DES TENUES DE GUERRIER PAïEN, ARMÉ D'UNE HACHE À DOUBLE TRANCHANT… UNE RÉTROSPECTIVE DE SON ŒUVRE VIENT DE SORTIR AUX ÉDITIONS MONDO BIZARRO. L'OCCASION DE REDÉCOUVRIR SON ART HÉRÉTIQUE EN DIABLE. LAISSEZ-VOUS ENSORCELER…


On t'appelle baron de GRRR. Es-tu un vrai baron ?

Oui, si l'on veut. Un soir d'ébriété tourangelle, il y a quelques années, j'ai rencontré la Marquise de Sade (descendante authentique du Divin Marquis), et après quelques "petits Grégory" (un verre de vodka dans une pinte de bière), je me suis fait adouber ! Tous mes amis ont approuvé. J'ai donc droit au titre de baron de GRRR.

 

Pourquoi ce nom. GRRR. avec trois R ?

Les R, c'est comme les étoiles de restaurant ! Dans l'esprit du râleur grognon et néanmoins bon vivant, je suis très fier d'en avoir trois.

 

Est-ce que tu mords ?

Uniquement les bons gigots.

 

Quelle sorte de petit garçon étais-tu ?

Plutôt solitaire, toujours en train de bricoler, faire des maquettes dans mon coin, collectionner des choses…

 

À partir de quel âge as-tu commencé à ramasser des animaux morts ?

J'ai toujours éprouvé une fascination pour les momies. Mon premier animal mort, c'était à quatorze ans : j'ai vu une fouine dans une grange, coincée entre deux tiges métalliques de lit, et en voulant l'extraire, sa tête m'est restée entre les mains. J'ai dégagé le crâne et les dents en grattant la peau desséchée au couteau. Ça m'a tellement excité que je me suis mis à accumuler toutes sortes de crânes et d'animaux naturalisés.

 

Que fais-tu de cette collection de cadavres et d'animaux empaillés ?

Je me suis fait une lampe avec un crâne de porc tronçonné, et des sculptures "métalliques" avec des poissons sèches recouverts de peinture argentée. Chez moi, j'accroche des animaux empaillés un peu partout, même dans les toilettes, ou sur les étagères de la cuisine. C'est un vrai cabinet de curiosités. Evidemment, ça sent un peu, donc il faut aérer pas mal…

 

En général, de quoi est-ce que tu te nourris ?

Dans le désordre : les écrivains Harry Crews, Marc Behm, Edouard Bunker, Maurice Dantec, les peintres Clovis Trouille, Félicien Rops, Gustav-Adolf Mossa, Fredox, Frans Von Stuck, Rochegrosse, Philippe Jozelon, Lucian Freud (eh oui, c'est un peintre), le réalisateur Ken Russel, les illustrateurs Jean-Michel Nicollet, Thierry Gayrard, Stéphane Barry, Richard Corben, Al Voss, Liberatore, le photographe Jan Saudek, Les Enfers de Bibliothèque, L'école de Nancy, le sculpteur Jeff Lambeaux, Grunewald (un peintre de retables du XVIIe siècle), Les Succulentes (des plantes grasses), la bonne chère et le bon vin…

 

Eh ben ! Et tu écoutes quoi pour t'endormir ?

La Muerte, In slaughter native, Magma, Megaptera… C'est du son puissant.

 

Quelles sont les études les plus bizarres que tu aies faites ?

Je n'ai pas fait d'études de médecine, ni d'entomologie, ni de gynécologie. Mais j'ai chez moi plein d'instruments de chirurgie. Aha aha ! (Rire sardonique.)

 

Quel est ton idéal de femme ?

La femme idéale n'existe pas. Ça dépend des gens, de l'alchimie des rencontres. Vouloir imposer un (ou une) moule, un type unique, c'est annihiler la beauté et la diversité des femmes. Ceci dit, moi, j'aimerais bien rencontrer une charmante aux longs cheveux noirs ou colorés, aux yeux clairs, aux seins en poire avec de larges aréoles, à la taille fine, aux hanches découpées, avec un chié de caractère et des mains actives (en tous sens). Voilà.

 

Pourquoi est-ce que tu dépèces les femmes dans tes dessins ?

Non, non ! je ne les charcute pas ! Ce sont elles qui s'ouvrent elles-mêmes, qui écartent leurs os, qui se triturent l'intérieur pour jouir. Ce sont des maîtresses-femmes qui prennent leur pied par tous les orifices et qui, au besoin, s'en créent de nouveaux pour éprouver des plaisirs inédits. Moi, je dessine des Dames de l'Apocalypse et de la Révélation, trônant bien loin au-dessus des hommes et de leurs misérables dogmes. Elles ne subissent aucune influence. Elles font ce qu'elles veulent, royalement. Elles se réapproprient leur corps. Moi, ça me titille, j'aimerais bien aussi creuser mon corps, écarter les membranes de la connaissance, soulever les strates de l'oignon charnel. C'est pour ça que j'aime le professeur Gunther Von Hagens, le "démiurge de la plastination" : il fait de l'art funéraire avec des corps humains écorchés qu'il transforme en statues, figées dans le regard hagard de ceux qui prennent conscience… Je pense que mon travail doit être aussi dérangeant, comme un dard dans la carapace de l'hypocrisie.

 

Es-tu sataniste ?

Non, je suis épicurien : c'est une passion (la mienne, pas celle du Christ !). Je n'apprécie pas les religions. Ceci dit, si être sataniste, c'est être soi-même, affirmer sa personnalité et faire triompher ses désirs, alors oui, je suis sataniste. J'aime les représentations des démons : l'art est extraordinairement imaginatif dès qu'il s'agit de représenter nos pulsions, nos angoisses, passions. Le côté obscur est bien plus fascinant que la lumière aveuglante.

 

Tu aimes les sacrifices humains ?

Je hais l'idée de sacrifice par-dessus tout ! Et surtout le sacrifice de soi-même. Le "Bien" consiste trop souvent à se torturer et à se culpabiliser avec des fautes qui n'en sont pas : librement, jouir… Buvons plutôt à l'orgie des corps assemblés en un seul cri pour l'orgie pancosmique !

 

Quelles sont tes sources d'inspiration : des manuels médicaux ? Les écorchés de Fragonard ?

J'aime les lithographies du XIXe siècle qui montrent des dissections magnifiques. Elles le font de manière objective, chirurgicale, sans concession. Presque pornographique. Dans mes dessins, je procède aussi de façon médicale.

 

Tes techniques de peinture font-elles appel au sang coagulé et au fer rouge ?

Je dessine essentiellement au pinceau, sur papier ivoire ou sépia, ou sur des sorties imprimantes de photos, mais j'utilise aussi un papier couché que je re-gratte avec une lame. J'ai toujours apprécié le rapport de la chair, sensuelle, chaude, et du métal, dur et froid ; rapport complètement contradictoire, mais qui peut se résoudre dans une esthétique ou dans le plaisir.C'est pour ça que je dessine des femmes qui se suturent elles-mêmes le sexe et qui jouissent avec un crochet à travers la gorge ; ça peut sembler impossible, mais en fait, non, il n'y a pas de paradoxe. Le métal peut vraiment faire jouir. Il n'y a qu'à voir la mode des modifications corporelles ! Toutes les filles se font percer en ce moment, mais ça date de la nuit des temps : il y a toujours eu des rites initiatiques où l'on marquait le corps (tatouage, scarification, incisions, etc.) pour le faire entrer dans le monde sexué des adultes.

 

Comment aimerais-tu mourir ?

De mon vivant ! Et après, que mon corps soit brûlé sur un catafalque (comme chez les Celtes) et que mon crâne soit offert à mon meilleur ami.Ou alors qu'il soit destiné à la plastination, aux bons soins du professeur Von Hagens.

- A. Giard 

 

 

PANDORA / SEPTEMBRE 2002

Grand-Prêtre du NécroRéalisme, initiateur avec Thierry Gayrard de l'Evangile Apocryphe - Brûlot de la Révélation - esprit libre et créateur prolixe d'un univers graphique blasphématoire, sensuel et percutant, propice à ouvrir toutes grandes les portes de la Picturale Jubilation.

Si la réputation de l'artiste qui se définit lui-même comme "illustrateur païen toutes surfaces" ne sera pas que posthume, c'est qu'il multiplie les expositions et évènements (soirées AlieNation, Arkel body art à Bruxelles…), les interventions diverses (déco avec la fanzinothèque de Poitiers, du Katabar à Paris, de boutiques, etc…), les illustrations de jeux de rôle (in Nomine Satanis, entre autres), les pochettes de disques (Leiden, récemment), les cover books (la superbe Darkangel du "Nécromantisme" de Sire Cédric), et autres motifs de tatouages.

Conversation avec le Divin Baron, en noir, en chair, en os, et en tattoos, au cours de laquelle furent également invoqués les esprits des peintres pompiers et symbolistes du XIXe siècle, auxquels il aime à se référer, et de passionnante manière.

 

Il parait que tu es le fils caché de Félicien ROPS et HR GIGER. Avoues-tu cette diabolique filiation ?

AHAHAHAH ! Plus ou moins, je me sens plus proche de Rops de M. Van Maele par leur côté iconoclaste et teinté d’humour cynique. Je me rapproche aussi de Greg Irons (illustrateur des 70, dans "Slow Death" et tatoueur) de T. Liberatore pour leurs pinceaux acérés et efficaces. HR GIGER, c’est une autre histoire vu que je ne travaille pas l’aéro. Mais ça serait plus dans les structures et quelques détail bio-mécaniques, et coté noirceur, je préfère m’enfoncer dans la mienne !

 

Tu es autodidacte, par Quelle magie es-tu parvenu à cet art qui est le tien aujourd’hui ? Quels sont tes médiums et techniques préfères ?

Enfant déjà, je lisais pas mal de SF, je regardais avec admiration ces charmantes couvertures, et est apparu Métal Hurlant et ce fut la révélation picturale avec aussi Ère Comprimée, Fantastic et bien plus tard Vampirella et Creepy. Tout plein d'illustrateurs fabuleux venus des US et d’Espagne sans oublier nos compatriotes. Il y avait matière à déclencher les mécanismes d’une imagination qui ne demandait que ça, la machine était lancée, irrévocablement !

C’est le pinceau qui prédomine dans mes instruments de la révélation ! En particulier les fins (taille2/0). J’avais démarré au Rotring mais le coté souple et sensuel du pinceau m’avait séduit. Je travaille aussi sur papier en couleur avec des encres sépia et des rehauts de blancs afin de développer les volumes, pour la couleur c’est de l’acrylique. Il y a un moment, Je travaillais le collage pour des détournements de pub et c’est de là qu’est venue cette technique de montage avec des morceaux de photocopies collées et repeintes qui a abouti plus récemment à prendre des photos, les assembler sur ordinateur et repeindre soit sur le cromalin soit la sortie imprimante ("Poupée Mécanonne" et "H. Bellmer eyes Side Show"), et finalement cela reste manuel. Je ne suis pas un dingue de ses images bien lissées que l’on fait sur photoshop, tout cela manque d’âme, on ne sent pas les traces, les odeurs de l’artiste.

 

J'ai pu voir deux de tes œuvres originales exposées aux Utopiales de Nantes : "Poupée Mécanonne" et "H. Bellmer eyes Side Show". J’ai d’ailleurs pu constater qu’elles accrochaient littéralement le regard des visiteurs. Ces représentations de la Femme sont très inspirées du Body Art, peux-tu nous parler du pourquoi et du comment de ces tableaux ?

Disons que ça faisait un petit moment que je me servais d’éléments incrustés ou faisant symbiose avec le corps humain et le phénomène pierrier est apparu entre temps, ma voie est plus profonde et pas un phénomène de mode. Les deux œuvres viennent du fait qu’une exposition collective "Transmutation" aux Larmes d'Eros à Paris (avec G. Berquet, Fredox, Mirka Lugosi, Y. Minh, Reed013, A. Dupouy, Gnôme, E. Prouvost, E. Keller, Kiki, Post…) avait été organisée sur le thème de Poupée Mécanique, égérie et organisatrice des soirées AlieNation, donc chacun l'a interprété comme il le sentait. Pour ma part le fait que l’expo soit aux Larmes d’Eros, j’ai tout de suite pensé à mettre en scène les yeux de H. Bellmer en hommage à l’histoire de l’œil et l’autre découle d’un jeu de mots avec Poupée Mécanonne tout simplement.

 

Tu as participé à l'illustration de l'ouvrage "Changer le corps" de Stéphanie Heuze, paru aux éd. de la Musardine, comment cette collaboration s'est-elle produite, et en es-tu satisfait ?

Ma foi !, ce fut fort sympathique de "tatouer" cet ouvrages qui est un bon récapitulatif des options de la modification des corps. Nous nous connaissions depuis quelque temps déjà et à mon sens notre collaboration n’est finalement pas si étonnante que ça.

 

Fin 2001, tu nous as annoncé la naissance "d'Apocryphorgy", un ouvrage réunissant plus de 100 illustrations, soit dix années de noires icônes publié par un éditeur italien, Mondo bizzarro. Es-tu content de ton bébé (qui t'a d'ailleurs valu un article dans le magazine Elegy) ? Est-ce une manière de bilan avant de repartir vers de nouvelles pistes graphiques ?

Oui assez, et ça ne se serait pas fait sans la coédition de Last Gasp (USA). C’est un peu une page tournée comme une bonne diarrhée pour passer à autre chose, c’est une page tournée par rapport à une technique, ces derniers temps j’avais abandonné le travail à l’encre sur papier couché qui était destinée à des zines ou prozines qui étaient pour la plu part imprimés en N et B pour me consacrer à la technique sépia et rehauts de blancs ainsi que la couleur qui est utilisée pour des magazines professionnels et autres. Toutefois à l’occasion je reviens à cette façon de faire. Il faudrait maintenant éditer un bouquin tout en couleur, suspens…

 

Hier les gras titres de médias annonçaient : Islamisme, christianisme, judaïsme : le retour de Dieu. Cela t'inspire quoi ?

Pas grand-chose à part que l’on en finira jamais avec ces religions bouffeuse d’âmes, le retour à une paix serait plus favorable.

 

Je crois savoir qu'en matière de littérature tes auteurs préférés sont Sade, Bataille… qui d'autre ? Si on te demandait de choisir une phrase ou un extrait d'une œuvre fétiche, que choisirais-tu ?

Pas uniquement que de la littérature "érotique", des auteurs comme : P.J. Farmer avec "Comme une bête" et "Gare à la bête", "les culbuteurs de l’enfer" de Zelasni, M. Moorcock, C. Bukowski, M. Behm, K.W. Jeter, J. Elroy, E.Bunker, M. le Dantec, T. Sturgeon, J. Ray, F. Leiber, C. Himes, N. Toshes, H. Crews et leurs univers bien particuliers entre l’extrapolative fiction, le roman noir, le fantastique permet à mon imagination de macérer tranquillement. Une jolie citation : "Ses amis l’appelaient Harry le baiseur. Mais Harry n’enculait pas n’importe qui. Uniquement des femmes… Des femmes mariées. Avec elles on avait moins d’emmerdements." H.Selby Jr "Le démon" Ed. Speed 17.

 

A des étudiants désirant savoir s'il existait une différence entre l'art et l'érotisme, Picasso répondit, très sérieusement : "il n'y a pas de différence". Es-tu d’accord avec lui ?

Pour une fois oui ! Qu’on le veuille ou non c’est le moteur, la soupape, l’énergie qui nous tourne la tête, l’incroyable machine à phantasme transmis par les "chibropinceaux" à la face du monde n’a aucune limite et ne devrait pas en avoir si ce n’est la sienne.

 

Le photographe Reed 013 disait dans une interview récente : "l'artiste est un paratonnerre qui cristallise des choses de son époque pour arriver à exprimer quelque chose de l'humanité"; Qu'en penses-tu? et de notre époque, et de l'humanité ?

L’humanité pas grand-chose, l’individu peut-être, et soi : il faudrait que j’y pense.

 

Ta devise est : "Post Tenebra Lux". Peut-on en savoir plus sur la philosophie qu'elle reflète ? Est-ce, au final, la victoire d'Eros sur Thanatos ?

La lumière vient de l’ombre. C’est avant tout une méthode de travail, je commence par le plus foncé vers le clair et c’est aussi la recherche de l’obscur obsessionnel, les méandres de "l’impur", les bas-fonds du coït victorieux à l’élévation par le trait de la vérité éclaboussant l’immaculée conception.

 

Pour terminer, peux-tu dévoiler quelques projets en cours ? Je suppose que nous pouvons nous attendre à de nouvelles bacchanales picturales, et te remercie de nous avoir délivré quelques-uns des secrets de ton art démoniaque !

Rien d’extraordinaire, je ne parle pas trop des projets en général car parfois ils sont très volatiles, mais je vous invite à vous balader sur mon site qui est aussi en cours de ravalement. www.D-GRRR.com Underground alive !!! Eat Some Meat !

 

 

OSCILATIONS / AOUT 2002

"Le christianisme a donné un poison à boire à Eros. Il n'est pas mort, mais a dégénéré en vice". - Friedrich Nietzsche.

Lancée comme un anathème en introduction du dernier recueil de dessins et tableaux de Denis GRRR, "Apocryphorgy" (Mondo Bizzarro Press/ Last Gasp, 2001), la citation du grand philosophe allemand évoque parfaitement l'univers et les thématiques de cet illustrateur à la peinture cinglante, pourfendeurs des résidus de morale chrétienne et culpabilisante qui traversent toujours notre société.

C'est par un bel après-midi (quoique…) de printemps parisien que nous avons fait route vers l'antre du baron de GRRR, titre qu'il revendique depuis son adoubement dans une taverne par une mystérieuse aristocrate. Une fois rendu à l'adresse, il nous fallait trouver ladite antre dans un enchevêtrement de béton avec pour seul indice une mélodie musclée qui guiderait nos pas jusqu'au seuil de sa porte… À droite ? À gauche ? Où ça ? Par-là ? Non par ici…! C'est alors qu'une porte s'entre-baille, laissant s'échapper une musique sous pression et une tête accueillante.
Le temps des présentations et de retrouver nos esprits (l'appartement recèle des bizarreries en tout genre) c'est autour d'un bon verre de blanc (du Touraine, s.v.p.!) et sur fond de grind-metal que la discussion s'engage… Nous vous en restituons les grandes lignes après une courte bio.

Denis GRRR c'est qui ?

Originaire de Tours, illustrateur "NécroRéaliste" comme il se définit lui-même (voir infra)*, Denis GRRR est un autodidacte touche-à-tout : grand amateur de vin (il a réalisé l'étiquette d'un Chinon 97, "La haie Martel' par J. Girard), passionné par l'histoire des grandes civilisations, collectionneur fétichiste de tout ce qui a trait au corps, taxidermiste, lecteur assidu de livres médicaux, d'obstétrique et de céroplastie du XIXe siècle, mélomane, figurant occasionnel ou encore décorateur du dernier film X d'Ovidie ("Claudine")… Il débute sa carrière dans les années 80 dans le milieu underground par des apparitions dans divers fanzines comme "Atomic" et "Sarcasm" (consultables à la fanzinothèque de Poitiers). On le retrouve ensuite dans le domaine musical où il élabore des pochettes de disques tels que les compilations "Masters of Brutality I et II", "Crossover", "Onde de chocs" (chez RoadRunner), ou les albums "Raw" de La Muerte (somptueux digipak illustré malheureusement épuisé) et "Pour voir" de Ströke. Dans les années 90, il lance ses marques de T-shirts : Meatribe et Worm (Tee-Shirts outranciers) avec NESS et Thierry GAYRARD.

Il apparait également dans différents magazines comme "Backstab" (jeux de rôle), "le magazine du hard" (X), contribue au développement de "Rage" et expose un peu partout : "NécroRéalism" festival d'Angoulême (94) avec Fredox et Thierry Gayrard, "Paranoïd" festival d'Angoulême (95) avec Moulinex, Ness et Besseron, "sexi-mode" (salon fétichiste) Bruxelles (96), "freakzone" au festival du film de Lille (97), "IncarnaT" à Tours et à Paris (98,) "IncarnaT phase II" à Vicious Circle à Toulouse (99), "While you where sleeping" à LosAngeles (2000) et dernièrement "Apocryphorgy" à Bruxelles (2002). Il a aussi fait les décorations de différentes enseignes : Tin-Tin (tatoueur parisien), l'Enklave (Paris 9e), Tribal Act ("pierceur rigolar", Paris 11), le Katabar (Paris 18e) et feu Le Rat d'eau, à Tours…

 

Travail.

Fasciné par les chairs mises à vif, l'interdit, l'iconographie pornographique et religieuse, Denis GRRR détourne, manipule, redessine les images pour un résultat décapant… Il travaille dans l'instant, porté par ses pulsions teintées d'humour noir, d'un coup de pinceau précis, incisif, vierge de tout carcan artistique institutionnel et sans jamais passer plus de trois jours sur une de ses œuvres, faute de quoi l'inspiration va voir ailleurs (sous les "sacrés" jupons de religieuses, par exemple). Une inspiration qu'il trouve en musique : un métal chauffé à blanc, mâtiné de grind et d'indus, ou encore du garage, du punk, du N.Y.H.C… en gros "du plein dans ta gueule" comme il dit, extrême, à l'image de sa peinture.

Initiateur avec Thierry Gayrard du "NécroRéalisme", ils mettent en scène, au travers leurs toiles ou de montages photographiques, une Femme mythique, accomplie dans ses envies - parfois volontairement soumise, le plus souvent dominatrice - face aux tabous érigés par la société et la religion. Le sexe, la violence, la mort se mêlent dans des compositions sensuelles sur lesquelles planent un parfum de plaisirs défendus. Denis GRRR nous invite à contempler sa propre vision du monde, déifiant ses femmes et la matière. Explorateur nécromancien, il sonde pour nous les recoins les plus sombres de notre âme dans le but d'éclairer et de nous faire parcourir avec lui un univers fantasmagorique, habité de nones lubriques pactisant avec le Diable, de femmes parées de métal acéré, de scènes orgiaques sorties d'outre-tombe…

 

Métal/chair.

Le métal nait de l'alchimie entre la matière et le feu. Sortie du brasier de l'enfer par Héphaïstos, il sera moulé en bijou pour orner une personne ou en lame pour ôter la vie d'une autre. Sa malléabilité et sa robustesse en font une matière à la fois noble et vitale. Inséparable de l'homme civilisé, et plus encore depuis la révolution industrielle, de la "Grosse Bertha" au Thalys, jusqu'à la plus petite et précise pièce mécanique d'une montre en passant par le délicat fil d'un scalpel, le métal est partout. Et pas seulement autour de nous, mais aussi dans/en nous, dans un rapport de plus en plus symbiotique : parure, piercing, tatouage, implant, scarification, mutilation, jusqu'aux puces que l’on se fera bientôt greffer ; partout le métal incise, perce, rase, suit les courbes, se place… et GRRR l'a bien compris ! Fasciné par le monde chirurgical - qui sauve des vies, en perd, mais pas avant que le métal n'ouvre, ne dissèque, n'ampute, ne découpe la peau, les chairs, les os… Il intègre dans ses œuvres cette esthétique anatomique morbide…

Les adeptes de ces extrapolations corporelles vous le diront, la chair brûlante que traverse le métal froid et qui se réchauffe pour ne faire qu'un avec votre corps procure du plaisir. Les femmes du baron de GRRR, grandes prêtresses "de vie et de mort", s'empalent et jouissent de cette présence métallique dans leurs chairs. Un déferlement de métal, de chair et de sexe qui n'a rien de gratuit. A travers cet intérêt pour des corps autogérés par leurs propres obsessions, meurtris, transpercés, cloutés, griffés, c'est un diabolique sacerdoce qu'accomplit Denis GRRR, celui de s'attaquer aux tabous qui hantent nos sociétés chrétiennes.

 

Tabou / religion.

"L'Homme a créé Dieu a son image" - Etudiant avec soin l'histoire des civilisations étrusques et sumériennes, séduit par les cultes et pratiques de différentes ethnies actuelles ou perdues, il en est convaincu, ces sociétés respiraient, et respirent encore pour certaines, une philosophie "païenne plus naturelle, plus charnelle" et débridée qu'aujourd'hui. Ishtar, divinité sumérienne, déesse de l'amour et de la fécondité, reprend vie au travers des icônes de notre Inquisiteur, opérant sans décence ni pudeur, libre et épanouie dans sa sexualité. Grand épicurien, D.GRRR passe au crible le christianisme et toute morale culpabilisante et privative susceptible de lui nuire. "Le christianisme est une perversion de l'érotisme", dixit D.GRRR. Remettant en cause les dogmes établis de notre société, le baron se joue des tabous et des mœurs et ce qu'on appelle pervers est dès lors à redéfinir. S'il fait référence au vice et à l'hérétisme dans le christianisme c'est pour magnifier celui-ci, sublimant la femme et l'acte sexuel, faisant parfois appel à des démons "customisexe"!, mais refoulant catégoriquement la qualification de sataniste (suffixes en "-isme" qu'il rejette vigoureusement quand il s'agit de le désigner, excepté celui de "Nécroréaliste" qu'il s'est lui-même forgé avec Gayrard, "total A.O.C.! "). C'est pour cela qu’il peint, faisant honneur aux femmes, sans aucune compromission. Il pose des questions, n’affirme rien si ce n’est le constat évident pour lui que le christianisme, et par voie de conséquence la morale occidentale, n’a jamais su définir une position claire par rapport à la sexualité sans en passer par l’interdit, l’absurde et la culpabilité, dans le but d’interroger sans vouloir prendre plus parti, laissant en dernier lieu celui qui regarde se faire sa propre opinion.

 

… Après trois heures d'échanges verbaux intenses, notre hôte décide d'être le seigneur de cette soirée. Paris dès lors tremblait. Elle redoutait ma force de frappe contre l'une de ces vitrines que je n'ai pu éviter tant elles sont si bien nettoyées. Ou alors est-ce après la vodka que ma vision s'est troublée ?… Toujours est-il, une fois mes sens revenus, que la capitale s'offrait à nous. Une excursion par cette (finalement…) belle nuit nous permis de mieux savourer cette rencontre autour de plusieurs verres au Katabar (où il a œuvré), repère incontournable pour se prendre une pinte et s'imprégner de l'ambiance : gueules atypiques, décors sanglants et musique body-buildée.. Mais revenons-en à notre Baron : "ça vous dirait les jeunes de s'prendre une autre mousse?". Nous : "ben ouais !" Et on repart. Ainsi, on a pu, changeant de bars et de bières, découvrir Le Paris by-night, avec des rencontres et des lieux tous aussi insolites que banals (c'est selon), comme le fameux juke-box vivant, Pierre Carré qui apparait dans le film "Les grandes bouches" ou encore le bar de notre "Johnny" national, pour finalement se retrouver, éprouvés et repus d'alcools, effondrés sur le sofa de l'appart, plongé (pour ma part) dans un noir total jusqu'au petit matin, vers midi… Après un p'tit dèj' énergétique (hardcore & café noir), le soleil faisant acte de présence, Denis GRRR, d'humeur à s'promener, tient à nous emmener dans l'une de ses épiceries fines, "Un regard moderne", une librairie (ou plutôt une caverne d'Ali Baba) qui recèle des trésors… Le temps d'y apprécier quelques bouquins et d'y trouver LE livre qu’il me fallait, l’heure de partir s’était avancée. Dernière bière, dernières impressions avec le Baron De GRRR…

 

 

MEMENTO-MORI / 2000

Mes contacts avec Denis GRRR n'ont longtemps été que très épisodiques (j'ai mis quelque temps à apprécier son travail à sa juste valeur) et, à vrai dire, je ne m'attendais pas à un accueil aussi enthousiaste de sa part lorsque je me suis décidé à lui toucher deux mots de mes envies de le voir figurer au sommaire de MeMo. Je dois également confesser (Hum… Un reste de ma jeunesse religieuse…) que cette interview n'a rien de définitive, et je vous recommande, si vous souhaitez en lire plus, de consulter celles parues dans Rosé Noire n°3 et Morsure n°6. La mienne, à côté, fait surtout office de mise à jour…

 

Revendiques-tu toujours l'appellation "nécroréaliste"? Le mouvement existe-t-il toujours ? Est-ce toujours Thierry et toi ? Sans nouvelles de Thierry depuis deux ans, je ne suis plus vraiment au jus et ses plus récentes productions (photographie, cinéma) m'ont porté à croire que vous voguiez vers de nouveaux horizons…

Disons que le fait d'avoir une appellation d'origine contrôlée, afin d'éviter d'être taxé de je-ne-sais-quoi, a porté ses fruits puisque maintenant on nous dénomme par ce terme. Le mouvement est au stade de braise : il suffirait d'un souffle pour le raviver. Thierry et moi avons chacun pris des directions qui nous sont propres, nos sensibilités évoluant au gré de nos intuitions.

 

Corrige-moi au besoin : le nécroréalisme est un mouvement artistique visant à redonner à la femme la place d'où l’a chassée une société patriarcale inféodée à la morale chrétienne ; la femme, dominatrice, déité-mère, reprend possession de son corps et l'explore à l'extrême, ayant recours, à l'occasion, aux modifications corporelles. Dans sa quête du plaisir, elle devient monstrueuse au regard des hommes, réalisant quelques-unes de leurs peurs inconscientes (vagina dentata) et, surtout, inversant les rôles, faisant d'eux les instruments passifs voire putréfiés de ses orgasmes.

Je rajouterai juste que c'est aussi plus dans une symbiose qu'hommes et femmes s'égaliseront, un peu comme le yin et le yang.

 

La charge anti-chrétienne des débuts (la série Possessions) est de moins en moins mise en avant, me semble-t-il (mais je laisse cela à ton appréciation). La turbulence des jeunes années s'est-elle atténuée ? Est-ce à cause de l'aspect "casserole du black métal" ? La femme nécroréaliste a-t-elle triomphé ? Ou alors un effet salvateur des Journées Mondiales de la Jeunesse ?!

Non, non, je dirais que j'opterais plus pour quelque chose de plus raffiné, sensuel ou orgiaque, mais : don't worry ! La face sombre est toujours là, au fond du chaudron…

 

On te qualifiera facilement/bêtement de sataniste, mais je sais que tu te sens plus concerné par le paganisme, c'est sa plus grande sincérité, en ce qui concerne le rapport au corps et au plaisir (voir les divinités licencieuses, Pan, Bacchus…), qui doit te paraitre intéressant, plus que le laïus (stupide, il faut bien le reconnaitre) sur l'air de : "c'est là que sont nos racines."

Exact.

 

Quoiqu'il en soit, la société actuelle (et, surtout, à venir) n'ayant plus de repères religieux, les anti-chrétiens me paraissent perdre leur temps (s'ils sont sincères). Pour clore sur ce sujet : tu ne te prends pas la tête à te chercher une religion, non ?… Un art de vivre doit te suffire amplement (Ah, ça : tu carbures pas au vin de messe !)…

Je trouve obsolète de lutter contre des choses qui n'existent pas ou, en tous cas, paraissent invraisemblables, mais le côté noir a toujours attiré à lui des gens qui recherchent une terrible puissance… Et il est fascinant de représenter les obscurités de mondes fantasmatiques, de chercher dans ces recoins des réponses à nos angoisses. Il est clair que découvrir les arts picturaux, certaines musiques, les régions par la gastronomie, les vins z'et eaux de vie fait partie d'un ensemble orgiaquement céleste à déguster sans modération ! Et, entre nous, l'hostie a un goût de polystyrène…

 

Surtout, j'aurais tendance à revoir tes dessins en considérant leur aspect modern primitives : les tattoos et les piercings y figurent de longue date, certes, mais c'est ta participation à Changer le corps ? qui leur donne un jour nouveau, à mes yeux… Est-ce un aspect que tu comptes privilégier, vu ton implication dans des événements de culture goth, SM, qui en relèvent ?

Pas particulièrement, je continuerai à placer piercings et tattoos parce que j'en ai, mais seulement si le besoin est. D'ailleurs, je ne me sens pas spécialement rattaché à quelque mouvement que ce soit : c'est beaucoup plus stimulant que des gens d'obédiences diverses s'intéressent à mon travail.

 

A propos de l'ouvrage de Stéphanie Heuze : comment est arrivée/s'est passée cette participation ? Ton travail n'y est pas à proprement parler ce que l'on devait attendre de Denis Grrr…

Avec Stéphanie Heuze, on se suit depuis pas mal de temps, nous avons des amis communs. Elle a su anticiper sur ce que je pouvais faire au niveau de cet ouvrage et ça m'intéressait énormément de "tatouer" ce dernier. Une chose que j'aimerais souligner : c'est franchement agaçant de se voir cantonné dans des prétendues styles et capacités ; je rappelle que certains illustrateurs et moi-même sont à géométrie variable, capables de faire d'autres choses, qu'elles soient, de près ou de loin, en relation avec ce qui nous intéresse et nous pousse à agir (voir l'affiche de Thierry Gayrard contre Eurosatory).

 

De plus, ce type de participation doit offrir de nouvelles perspectives : te verrais-tu publié chez La Musardine ?
C'est clair.

 

Peux-tu m'en dire plus sur Orgies, Histoires du pénis, Ce Siècle aura ta peau, Monitor Man… Ouvrages que je n'ai point encore lus ?

Orgies : bouquin d'art regroupant peintures XIXème, illustrations, photos, gravures… sur le sujet révélé par G. Marbeck, qui avait déjà écrit un gros essai là-dessus. Histoire du pénis : parler du pénis en général par les biais historique, ethnique, médical, de la castration, des modifications, etc. Ce Siècle aura ta peau et Monitor Man sont des romans dont j'ai réalisé les couv'.

 

Ta bibliographie mentionne également un ouvrage d’obstétrique ?! C'est ton intérêt pour l'anatomie qui t'y a amené ou tu as fait des études de médecine ?

J'ai un grand intérêt pour l'anatomie, la céroplastie en particulier. C'est une amie qui s'occupait du zine Esodia et travaillait aux éditions Pradel qui m'a proposé ce boulot. A noter une succession de titres amusante : Obstétrique essentielle, Histoire du pénis et Orgies !

 

Décidément sur tous les fronts, tu t'adonnes à l'œnologie. Les nécroréalistes aiment beaucoup nous rappeler qu'un Chassagne Montrachet 82 peut nous gagner leurs faveurs : la bouteille est à combien, et les vaut-elle (vini-inculte que je suis) ?

Il n'y a pas que le Chassagne Montrachet que j'apprécie le plus, d'autres bourgognes, le Saint-Genis (pays d'Oc), les Patrimonio blancs (Corse), le Fié Gris (vieux cépage pays de Loire rare et fabuleux), quelques Graves, Touraine, etc. Mais, en gros, j'apprécie des vins dits "gras", généreux, qui causent… Et je ne parle pas des eaux de vie !

 

Revenons à nos moutons : tu t'es fait connaître du public métal en proposant tes talents d'illustrateurs. Je t'ai découvert avec Masters of Brutality et je te retrouve chez PTVS, joli grand écart : qu'est-ce qui peut te faire accepter/refuser de travailler pour un groupe ?

Tout simplement l'entente, parfois je n'ai pas le CD en main (mastering, mix, etc.) et quand je ne passe pas mes journées à traire les groupes sur ce qu'ils veulent ou m'imposent des idées pas forcément justifiées et qu'il n'y a pas moyen d'en discuter. Il ne faut pas oublier que c'est un échange pour faire ressortir le meilleur de chacun.

 

Sinon, à part des femmes de caractère et des lapins téléphages, tes pinceaux sont ouverts à toute suggestion, je suppose ?

Certainement.

 

Quels sont les projets en route (illus, expos…)?

Les prochaines expos auront lieu à Avignon, du 05 août au 03 septembre, à la Weird Factory/Body Art, 69, rue Bonneterie ("Incarnat Phase IV") et à Lyon, du 08 septembre au 15 octobre, chez Marquis, 22, rue Terme ("Incarnat Phase V"). Egalement une participation à un moyen métrage en tant que décorateur et figurant : ça se passe chez les black métalleux (Hi'Hi !). Et les t-shirts sont en attente de financement… J'ai fait une interview avec Ludo, de L'Expérience esthétique, basé à Bompas ; peut-être connais-tu (/underground est bien petit, Ludo) ?

 

Est-ce qu'à l'instar de Thierry, tu t'intéresses à d'autres pratiques artistiques ?

Je refais un peu de photo, je réalise des décos de boutiques de vêtements (L'Enklave), de piercings ou de tatoueurs : du Grrr en grand, c'est une autre dimension ! Je façonne aussi des sculptures avec des têtes de poissons séchées que j'écorche après ; je retravaille des cadavres d'animaux et bricole des crânes pour les transformer en appliques lumineuses ! Euh… Et mon salon ? Mais je m'égare.

 

L’expo, aux USA a-t-elle eu lieu ? Je n'ai plus de contact avec Drawing Blood depuis des années, alors peux-tu m'en dire plus sur tes confrères outre-atlantique ?

Oui, j'ai exposé à la Luz de Jésus Valery (sic !) à Los Angeles. J'ai été publié dans Malefact (bon panorama trash underground en N/B), par le biais de http://slaughter.net, Panik Mag (tabloïd gratos tiré à 10 000ex.) et Spit Cobra, tenu par un ami, Dana Mongoven, qui réalise de très étranges illustrations.

 

Je suis en revanche assez perplexe vis à vis des illustrateurs cotés en France en ce moment : P. Jozzelon, J.P. Fournier… Tu as des noms à me suggérer ou je peux rester le nez dans Incarnat ?

Tu peux rajouter S. Barry, Navette, Citron, L Bramardi (Ah ouais ? Il dessine, lui ?), Aleksi…

 

Le shopping au rayon "Denis Grrr" consistera essentiellement, pour l'amateur éclairé, en l'affiche 60x40 réalisée pour le groupe PRIME TIME VICTIM SHOW, avec les désormais célèbres lapins téléphages (70 francs, pc), et le lot de cartes postales noir et argent Situation 1 et II (8 francs l'une, 13 les deux) que le groupe LEIDEN s'est empressé de mettre à contribution pour illustrer son dernier CD ; mais le fin du fin reste toujours son port folio Incarnat, contenant sept planches 29x40 sérigraphiées (260 francs, un peu cher, certes, mais ça fera un beau cadeau) où de charmantes jeunes femmes poussent l'indécence jusqu'à l'anatomiquement incorrect. Règlements à l'ordre de WEEK-END DOUX. Amen. Quant au site du bonhomme, il vous permettra d'en lire plus à son sujet (biographie et œuvre complète), de visiter une galerie virtuelle en deux volets (soft et hard), et d'assister à quelques strip-teases d'intérêt croissant. Une section PAL est en cours d'élaboration, ce qui devrait bientôt permettre à tout un chacun de s'afficher fièrement avec un t-shirt aux armes du sinistre baron…

 

 

"SACRILEGIUM SACRIFICIUM SEXUS" MORSURE / JUIN 1996

"Avant la fin des temps, les femelles de l'ombre s'uniront et festoieront avec les derniers païens de la terre" (Le Livre Relevé, chap. XXV, Livre 6) Chairs brûlantes d'un désir depuis trop longtemps inassouvi, refoulé par deux mille ans d'une morale culpabilisante et puante de despotisme masculin ; chairs lacérées et parfois pourrissantes bien que ne reflétant nullement l'agonie mais l'immortalité ; chairs sanglées de cuir et assorties au métal…

Celles de femmes déifiées, omniprésentes dans l'œuvre de Denis Grrr, adorateur de la Magma Mater, la Déité-Mère, sensuelle, féconde et éternellement affamée de jouissance. Des femmes insensibles à la douleur dont elles semblent au contraire se délecter, dans un sabbat orgiaque où la Mort n'est plus l'ennemie de la Vie mais son amante, où le Mal et le Bien finissent par se fondre, où le tabou se mue en normalité…

Mais celle-ci n'exclut pas le sacrilège et la volonté d'en user, non pour choquer et blesser quelques esprits prétendument chastes (quoique…), mais pour expérimenter de nouvelles facettes du plaisir en utilisant les éléments mêmes d'un culte qui en prohibe jusqu'au moindre, pour explorer un univers troublant jusqu'alors inaccessible, pour laisser libre cours, et même sublimer, nos plus obscures pulsions…

Ainsi, dans les noires icônes de Denis GRRR, les nonnes se font nymphomanes et sadomasochistes, ivres d'une jouissance dont elles se laissent submerger, les crucifix deviennent phallus de bois et de métal et le Christ, l'amant de ses fidèles - mais le Divin Messie ne prônait-il pas l'Amour ? Les mâles ecclésiastiques quant à eux, ne sont plus que spectres mutilés, putrides et partiellement décharnés. Des êtres abjects usant de leur pouvoir pour posséder ces femmes d'une trompeuse docilité… Pur fantasme d'hérétique se complaisant dans le blasphème ou extrapolation imagée ? Les inquisiteurs médiévaux ne dictaient-ils pas à leurs victimes les aveux de fornication démoniaque qu'elles devaient formuler ?

Tous ces récits de débauche et de luxure ne naissaient-ils pas dans ces esprits torturés par l'abstinence et rongé par les tentations de la chair, de ces êtres poussant la chasteté à son paroxysme ?

Toute prohibition suscite l'envie d'expérimenter l'interdit… Les pulsions sexuelles sont inhérentes à l’humanité. Tenter de les nier est vain car on ne peut que les refouler au plus profond de soi et non les en bannir. Et elles finissent par enflammer l'imaginaire… Alors pourquoi n'embraseraient-elles pas celui des religieuses recluses dans leur sainte prison ? Une question à la base d'une bonne part de l'œuvre de Denis Grrr qui n'en cherche évidemment pas la réponse - toute trouvée ! - mais qui s'en inspire pour créer de sublimes atrocités graphiques à faire pâlir le Diable. Une interrogation qui en fit naitre une autre dans l'esprit de cet auteur sulfureux : quels peuvent bien être les fantasmes de ces femmes pour qui l'ivresse des sens est proscrite ? Et le moins qu'on puisse dire, c'est que son imagination n'est pas avare d'hypothèses… Coïts lesbiens, orgies secrètes entre religieux, crucifix en substitut phallique, nécrophilie, masturbations frénétiques accompagnées de songes christiques… Une imagination qui ne semble pas sur le point de se tarir, pour le plus grand bonheur de votre ténébreux serviteur !

NécroRéalismE

L’Armageddon jouissif et graphique des chairs humaines. Pensées obscures mise à plat par d'étranges enlumineurs. Sujets tabous traités de manière sensuelle et esthétique, incluant la Pornographie antique et païenne. Le Nécroréalisme, c'est la déification de la Femme, le retour à l'érotisme sacralisé, c'est la mémoire atavique qui se souvient des corps enchevêtrés brûlant dans l'amère saveur du blasphème annihilant la Mort. L'image peut être brute et sincère, là où elle se suffit à elle-même, que cela soit du montage photographique, ou quelques pinceaux chirurgicaux œuvrant sur des chairs offertes ou créant des corps galbés au Seins bibliques. Un mouvement où l'interdit et l'extrême se rejoignent et convergent vers un unique objectif, la transfiguration de l'art du premier cri : CIamor Primus.

Nécro incubators : Denis GRRR, Thierry Gayrard.

 

Venom : Une bonne partie de ton œuvre semble être le reflet d'une haine viscérale envers le judéo-christianisme… Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Denis Grrr : Haine, certainement. mais ce n'est pas le moteur principal. Je ne tolère pas l'intolérance. L’enfermement dans un dogme, suivre sans discernement un soit- disant guide-gourou. Se borner à un symbole… Tout cela engendre et stabilise les pourceaux castrés dans l'ignorance. J'exprime le côté normal de la chose. Ma vision est peut-être lucide, l'extrapolation l'est-elle ou est-ce la lucidité qui doit être extrapolée ? Mais pour tout cela c'est l'impulsion qui domine, sans arrière-pensée, tabou en tout cas. Je les exploite ! Chrétien, sataniste ou autres d'ailleurs, car il y en a encore qui y croient et on n'est pas sorti de l'auberge…

 

Venom : Votre slogan pour l'Evangile Apocryphe est un "pamphlet réhabilitant la Déesse Mère et le Paganisme", tu ne sembles donc pas si insensible que ça aux anciens cultes… Et en glorifiant le blasphème, ne te rapproches-tu pas finalement de la démarche et le la pensée de nombre de satanistes ?

Denis Grrr : Certains cultes d'une époque lointaine, à l'aube de l'écriture (mais le culte en lui- même ne m'intéresse pas)… Il semblerait que du temps des Sumériens, des Crétois, des Etrusques, etc. la femme ait eu une place primordiale, n'étant pas seulement considérée comme un meuble (Gréco- Romain), une machine à reproduction (Chrétien) ou une monnaie d'échange contre quelque misérables troupeaux (Hébreux). Je ne me sens pas concerné par le satanisme en général, même si on peut en trouver quelques bribes dans mes travaux ou des ressemblances frappantes (ce ne sont pourtant là qu'images !). Je prône avant tout le paganisme. Celui des chairs brûlantes et celui du propre de l'homme : la jouissance, l'orgasme primordial, en bref le plaisir.

 

Venom : Dans une interview (in Hesodia no 8), tu parles d'exorcisme personnel pour qualifier tes travaux. Penses-tu qu'il puissent exorciser d'autres que toi ?

Denis Grrr : L'exorcisation de ma personne par le biais de l'illustration reste physique et ne concerne évidemment que les fruits de mes plus obscures pulsions Je ne suis pas le prêtre du village !!! Alors, de là à exorciser les autres… Peut-être par le fait d'une éruction intérieure provoquée par la simple vision, entraînant chez le sujet un rejet total ou une appréciation admirative selon le parcours culturel et éducatif de chacun ? Je n'habite pas sous leur crâne et connais encore moins leurs réactions profondes à moins qu'ils ne m'en fassent part, quoique…

 

Venom : Eros/Thanatos… L'amour et la mort sont intimement liés dans ton œuvre… Une simple volonté de bafouer les interdits ou quelque chose de plus ?

Denis Grrr : Eros/Thanatos ont pour sexe la femme. La femme maîtresse de vie, prêtresse de mort. Mes créatures assument leur nécro-sexualité ! Et puis, quoi de plus beau que de mêler la putréfaction à la chair ferme, chaude et veinée de bleu ? Quoi de plus troublant que d'associer le métal froid et incisif, rouillé ou inoxydable, à ce tissu tiède enveloppé Joueur à élever un chibre ? Quoi de plus amusant que de corrompre ces éléments dans un élan de pénétration, de mutilation, de blasphème, en une seule et unique entité ? Alors bafouer les soi-disant interdits n'est valable que pour les dévots épileptiques et castrateurs, les gens de droit dont la dépravation est difficile à cacher. Ce sont ceux-là qui glapissent à la provocation ! Je ne vois chez moi que des choses ordinaires !! Des choses qui plaisent et me plaisent."La normalité commence là ou finit la liberté" (Denis Grrr. XXème siècle)

 

Venom : Qu'as-tu à dire à propos du retour à l’ordre moral", de la censure d'inspiration judéo-chrétienne qui vise à interdire toute chose n'étant pas conforme à leurs mœurs (et les productions nécroréalistes sont en première ligne !) ?

Denis Grrr : "Le christianisme a donné un poison à boire à Eros II n'en est pas mort, mais a dégénéré en vice." - Nietzsche. Bizarrement, l'homme est la propre entrave à son plaisir. Illustré entre autres par quelques intégristes dégénérés beuglant le salut par le bras tendu. L'homme est-il né pour voir son corps maîtrisé, bafoué par l'incompréhension, par l'incapacité de certains pauvres d'esprit ou par des hypocrites corrupteurs à la dictature monétaire ? "Confusions des valeurs, imposture totale… Et le bétail humain s'en va en bêlant, satisfait et repu, à l'abattoir, se faire tondre puis saigner par les bouchers libéraux qui ont le monopole de la violence légale. Expérimenter l'exploration. L'ivresse comme un tantrisme personnel dépassant notre condition humaine par l'expérience du désir, avant de vivre pleinement et sereinement la contemplation et l'expérience du Néant." Thierry Gayrard, in Ordo ab Chao, MCMXCVI.

 

Venom : Penses-tu que l'Eglise soit sur le déclin et que le paganisme ancestral puisse reprendre ses droits ?

Denis Grrr : Peut-être qu'un jour l'homme sortira de son carcan dogmatique, sourira devant la terre et lui-même et ainsi finira dans la Partouze Ancestrale ! Par Priape ! "Vous étiez avant que je ne sois : et du Premier cri vous fûtes issues, éternellement affamées et jamais repues. Et vous aviverez le Feu Perpétuel, en consumant Hommes et Bêtes : alimentant ma soif dévorante et jamais rassasiée d'Energie Vitale. Ainsi vous ne mourrez jamais, Immortalilutan sibi parere. Car la débauche c'est la Communion Universelle, l'Âme Immortelle, la Transmigration Cenia Sacra." L'Evangile Apocryphe - Vlll - Verbum et Imperium MCMXCIII.Pour l'instant cela stagne, avec quelques pseudo érections de liberté qui se morfondent aux côtés des croix ensanglantées.

 

Venom : J'ai souvent écouté France-Info pour trouver de nouvelles atrocités pour mes nouvelles. As-tu procédé de même pour tes dessins, t'inspirant de l'horreur du quotidien ? Ou peut-être utilises-tu tes cauchemars ?

Denis Grrr : C’est assez rare que je me base sur des faits réalistes. Je fais confiance à ma cruauté inassouvie tout en regardant dans des bouquins d'art, des photos érotiques du XXème, quelques serial killers, des illustrations médicales et quelques œuvres de céroplastie pour les petits détails. Mais en général je me laisse aller et tout se passe comme il se doit… Mon œuvre n'est pas qu'atrocité, elle montre la multiplicité, l'adaptation, l'étrangeté sur le support polyvalent qu'est le corps humain, en particulier celui de la femme.

 

Venom : Penses-tu que certains travaux parus dans le cinquième volume puissent être considérés comme nécroréalistes ? Ou peut-être même l'ensemble du journal ?

Denis Grrr : Il faudrait demander aux auteurs "morsures" si cela les concerne ! Ceci dit, le nécroréalisme, c'est la célébration de la sensualité obscure et non sa destruction systématique et anecdotique avec en plus un prétexte de vénération pour tel dieu ou démon. Le nécroréalisme est athée, même s'il se sert de nos vieux démons pour enfoncer le clou du libre arbitre.

 

Venom : En général, quelles sont les réactions des femmes qui contemplent tes œuvres ? Certaines y voient-elles cette "déification de la femme" que tu revendiques ?

Denis Grrr : Lors d'expositions communes, Thierry (Gayrard) et moi, avons pu remarquer cet intérêt et ces regards concernés, comme dernièrement à celle de Tours. En toute logique, je représente des femmes, donc… Les remarques sur le livre d'or : "Puissance et sauvagerie, tout ce que j’aime.", "Enfin des hommes qui voient au fond des femmes et qui les servent par un trait, sans hésitation", "Quel merveilleux siège de l'esprit que le ventre". Evocateur. Le côté déification qui remet tout à la place originelle joue, consciemment ou l'inverse. Le fait de se "voir" en Grande Inquisitrice de la Vérité, en Mère Supérieure provoquant certaines vibrations à l'aide de son "crucigode", ou bien en Grande Dame de l'Apocalypse, inassouvie, chevauchant de redoutables démons ailés et membres dans l'Orgie Sublime, est l'extrapolation de la femme maîtresse de ses ambitions et de ses plaisirs. Le paradoxe sensualité/brutalité, la femme don de vie, la femme finalité de vie, le côté cynique ou humoristique leur plaît, on sent les sourires s'esquissent… Bref, quand elles aiment, elles aiment !

 

Venom : La musique joue-t-elle un rôle important dans tes réalisations (ambiance, inspiration…) ? Et qu'écoutes-tu ?

Denis Grrr : Un milieu ambiant adéquat contribue au bien-être, aux épanchements sensuels et obscurs, à la profusion d'idées, ainsi qu'à la délectation du "labeur". Au bout d'un laps de temps, on dérive dans les sphères délirantes malmenées par la banalité quotidienne, on est totalement ailleurs, mi-pensant, mi-travaillant, la musique n'étant juste qu'une présence finalement et quand elle s'arrête… Ce que je mange par les oreilles ? Du rentre-dedans : La Muerte, Motörhead. Circle of Dust, Bile, Gurd, Cathedral, Ether, Bathory, Prong, Brujeria… Du plus "spirituel" : Hawkwind, de l'indus (In Slaughter Natives, Shinjuku Thief, Premature Ejaculation…). De l'analogique (Tangerine Dream, K. Shulse…) et quelques chants grégoriens, tibétains, des musiques de films… À consonnance grave en général, j'aime ce qui remonte par le bas, qui trouble et qui atteint enfin l'organe récepteur capable de l'apprécier.

 

Venom : Quelques mots sur Nietzsche… Est-il ton maître à penser ? En quoi te reconnais-tu dans sa philosophie et a-t-elle une influence directe sur tes travaux ?

Denis Grrr : J'ai pu apercevoir des citations que je trouvais justes et qui rentrent dans ma philosophie générale. Influence non, mais j'approuve la direction de certains de ses travaux.

 

Venom : Quels sont les autres auteurs que tu apprécies ? Et en ce qui concerne l'art pictural ?

Denis Grrr : Allez on y va… Félicien Rops, G.A. Mossa, Sir Lindsay, von Bayros, van Maele, Nicollet, Kelleck, Liberatore, H.R. Giger, Gachet, Beksinski, Corben, Vigil, Frazetta, Bisley, T. Ott, Fred Ox, T. Gayrard, von Stuck Cormon. La lithographie médicale du XXème, les représentations diaboliques du XIème au XVIIème, la photo porno du début du siècle, Jan Saudec et P.J. Witkin (photographes), etc, etc…

 

Venom : Que penses-tu de la sculpture dite "moderne" qui consiste en des assemblages abstraits de diverses matières ? As-tu des sculpteurs fétiches ?

Denis Grrr : L'œuvre sculptée est intéressante. On la voit, on la palpe, c'est physique, sensuel, agressif. Bien fait, il y aurait presque un rapport charnel. La sculpture m'intéresse quand elle représente la femme. La période fin XIXème début XXème et la céroplastie, les Ecorchés (J.H. Fragonard), la sculpture structurelle, naturelle, humaine et animale : l'os me touchant particulièrement.

 

Venom : Comment marche Worm et quels sont tes projets actuels ?

Denis Grrr : Les T-shirts de la marque Worm ne se portent pas trop mal (catalogue dispo contre 3 Frs). Y’a une demande de T-shirts différents, rentre dedans, avec une idée efficace, cela se sent. Avoir des motifs nouveaux, un concept, une "maquette" du T-shirt, une présentation du motif, un dessin travaillé et plus percutant que la banalité (vulgarité) que l'on voit souvent est important. Les gens qui portent ces T-shirts savent ce qu'ils veulent : pas de concession ! J'ai déjà mes têtes et compte publier ces gens à la plume incisive quand les rentrées d'argent se feront. Je continue pour l'instant avec les T-shirts de Ness, de T. Gayrard et de moi-même. EAT SOME MEAT !

 

Venom : Quelque chose à rajouter ?

Denis Grrr : Si quelqu'un veut m'envoyer à l'œil une caisse de Chassagne Montrachet Gr cru 1982, je ne dis pas non.


- Propos recueillis lors du second semestre 1996 (E.V.).

 

 

"DENIS GRRR" FEAR OF LIFE / AVRIL 1995 (en anglais)

In the previous issue of Fear Of Life Magazine, you could have read an interview with Thierry Gayrard, an artist in the Necrorealist style. Here you can read about another Necrorealist: Denis GRRR. His works, which are mainly ink-drawings, often show females, nuns specificaly, intransformed shapes, often pierced and with 'machinal' elements. (Anti-) religion, eroticism and porno are a few more subjects that are often portrayed in Denis' work. Art Bizarre…

 

For those who don't know you, please tell me something about yourself and how would you describe your artwork?

Difficult question to answer in a few words. I'll say that my images are quite brutal, emotional, they heckle and are self-sufficient. It's an 'Antarkick' work. Just as the Necrorealism is. An important theme: the woman, as the originator, the matrix. I wish to replace the woman at the place she deserves, the place from where the 'males' have dethroned her, dragging and raping her during centuries… As for me, the women titillate and trouble me. Their irresistible curves, generous or pointing breasts, moistness, arrogant bums, dark spots and scents call imperiously for dick elevation and brushes revelation. A celebration as Hans Baldung Grien, Felicien Rops, G.A. Mossa, Von Bayros, Von Stuck, Sir Lindsay, Frazetta, Nicolet, Beksinski, H.R. Giger beautifully did, and which will, no doubt, never end!

 

I assume most people consider your drawings shocking. How are the reactions on your work in general?

Each person must make up its own interpretation, negative or positive, there must be a reaction, and generally that's what happens!! A reaction based upon mental barriers and taboos, or upon taking pleasure in some fantasies which can appear incredible for some other persons. I don't think that there is a real case of provocation, this is not the mover of my work… whatever some short-minded people might believe. My work is based upon my most personal instincts, upon the aftermaths the epileptic devouts. Together with my fellow-Necrorealist friends, our purpose is to express certain hates or desires of mutilation, profanation, perversions, pornography… with no discrimination or censorship whatsoever.


In fact I have never seen any of your works on album- or democovers or in zines. Have you done any of this work and do you have many connections in the underground scene?

I have indeed worked for the cover-art of a number of records. And of course a lot for the underground scene and press. As a matter of fact, I really started drawing in 1986 with the French zinc "Atomik", in which I also developed my knowledge of page-making. appreciate the underground press for its liberty, as an artist you can go as far as you want, and at the same time, discover your own limits. I now work on a professional level, but still, I keep displaying images in the pages of the underground.

 

One of the works you sent me contains elements of photographs. Do you often combine collages with drawings and what other techniques do you use?

I started by 'doctoring' black and white copies: cutting them out, pasting them, hiding the cuts, blackening, etc… It's more like a 'break-therapy', when I'm fed up of working on something more elaborated with brushes… "Cause I am faddy with my brushes: I hate when their hair fork! The line becomes rough and I can't get the result I want. I also work directly on colour photographs with acrylic paint. I never use aerograph, but for some 'spits' I use paint spray.

 

Together with Thierry you formed P.A.L. Can you tell me something more about that. What activities does P.A.L. cover?

With Thierry Gayrard, we created the Necrorealism, but my association P.A.L. (Pornographic Aftermath Laboratories) already existed. P.A.L. issued the "Possession" postcards and the same year organised some exhibitions. Every year in Angouleme (French international comic festival) P.A.L. presents a new exhibition such as "Necrux" ('93), "Necrorealism" ('94), "Paranoid" (with a tattoist) ('95) and for '96, I'm organising "Inquisitorum", based upon the perversions due to culpability… This year also, I've decided to create a new T-shirt brand "Worms-TM", featuring my idea's and those of some tough-thinking / tough-drawing friends.

P.A.L. states to make art labelled as -Necro Realism', which is based on a phrase by Nietzche; "Christianity has given Eros a poison to drink. He didn't die of it, but degenerated into vice" From Thierry's words I understood that you, as Necrorealists deplore this debasement of sex. On the other hand I don't think your drawings are a visualisation of this condemnation. I'd say they also degenerate sex, only from an anti-Christian point of view instead of a Christian point of view.

 

Can you explain this? Do you try to denounce Christian hypocrisy by expressing your ideas in extremes?

PA.L. is a support to Necrorealism, just as "Indecent Exposure" The church has gone very far in order to stabilise its dogma To begin with it has depreciated woman, and has replaced pagan cults by its own' And since man doubts man is kept under control by means of culpability, which leads to perversions or denouncements..; Church has tried to erase the primeval sense of mankind: pleasure an uncontrollable and incomprehensible sense for them frustrated and thirsty of power. Inquisition has done its work, burning heretics in proof of devil's existence. Didn't it rather create it? Everything that wasn't Christian, or that didn't come from Christianity was immediately thwarted and destroyed: Galileo… Therefore, how was it possible for us in such a light not to be tempted to react by using a number of symbols in order to create paradoxes and reversals, and for starters why not the 'great She-Inquisitine'?! And what about the priest, the nun, the bishop? See men and women after all, we just outline their desires, deviations… Facts and truth extreme' is finally a very light word.

 

Your drawings and Thierry's drawings in "L'Evangile Apocryphe" look pretty similar in style. Have you adapted your styles to each other or is this coincidental?

When I first saw one of Thierry's drawings, it was in a movies magazine "Bis". After that, we got in touch, and happened to like each other's work, especially as for their common general direction that each of us displayed in its own distinctive style. I believe that it's rather the tight paths of Paganism and its depths that inspired us… And we are not alone, see the Necrorealist movement.

 

The drawings in "L'Evangile…" are pretty rough. Wouldn't a bigger format be better so that the artwork could be more detailed and show to full advantage?

Many contradictions in the "Evangile Apocryphe", and first of all: the size and the publisher! The result is this rough printing which reduces the impact of the drawings. Drawings which had to be delivered in a very short delay! Well, if it was to be done again, we would chose a bigger format, quality paper, re-work on the drawings and feature the text in French and English… If there was a publisher crazy enough…

 

In the interview in FOLM#3, Thierry told that a book called "Nuns" would be released. Have you also contributed to this one and is it already out? Can you tell something about the contents?

"Nuns" will be issued in very few copies (20!) because it is very long to make: everything is hand-made with a Rodoi'd cap, and a leather type cardboard belt around it. Well, I don't have much time, nor the money to give it to a printer. Just more nuns in heat helping themselves with crucifix…

 

Do you know any other artists from France that do things comparable to P.A.L? If so, please tell more about them?

Among other French artists who work in more or less the same direction as P.A.L. and myself, I will quote Fred OX and Laetitia, two great manipulators of photographs who are among the creators of the famous Stronx, a beautiful art-zine. Laetitia works mostly on medical engravings from the 19th century up to now, and produces rather upsetting artworks. Fred OX works on similar basis, plus insects, war items, and pornographic pictures: very trash and pioroeactive!

Another artist I appreciate very much is Adrien Besancon, who works on organic material, vaginal shapes and large surfaces of flesh with a very precise airbrush technique. He has already shown some of his works together with Sybill Rupert and Giger in a tribute-exhibition to Georges Bataille. The Necrorealist movement has called upon these artists, as some kind of definition to which they thought their work could be linked up, but by no means restricted. Each of us can call him- or herself Necrorealist, and continue hid / her own path spreading the dark sperm of truth…

 

You work at a shop called Meatribe. What kind of shop is that and can you combine your artwork activities with Meatribe?

Actually, I have stopped working there since it's impossible to draw behind a counter and be a cashier!! Cycopat is still manager of the shop, therefore I just limit myself in producing T-shirts for Meatribe and depositing my own ones there!

 

Thanks for your answers Denis! Anything you'd like to add?

Don’t stay in ignorance! Apply the 3-B theory: "Boire - Bouffer - Baiser", i.e. in English: "Drink, Eat, Fuck"… In the order you chose At last: If there is any Necrorealist in the area, get in touch!